La vie n'est pas un long fleuve tranquille



Parce qu'une relation de tutorat c'est aussi beaucoup de caregiving, la fessée n'y a pas toujours sa place. La punition n'est pas toujours la solution pour aider quelqu'un, et il faut savoir composer avec les états physiques et émotionnels du moment. N'oublions pas que le but du tutorat est de faire progresser, d'aider. 

Nous avons traversé dernièrement tous les quatre avec Laoth, papa et sa compagne, une montagne d'événements périlleux qui nous ont incroyablement rapprochés. De mauvaises choses sont arrivées, et nous nous sommes retrouvés à devoir nous battre pour nous en sortir. Et ensemble, nous avons réussi.

Sachez qu'en 2022 l'homophobie existe toujours et détruit bien des familles, alors que l'homosexualité ne fait qu'en créer de plus en plus. Et l'homophobie n'a pas épargné la mienne. Il était temps de fuir pour le bien de tous et c'est ce que nous avons fait. Ce fut un crève-cœur mais la fierté dans les yeux de ma compagne a brûlé bien plus fort que toutes les concessions que j'ai pu faire ce jour-là. Jour où nous nous sommes retrouvés SDF de façon très soudaine et violente. 

Nous avons trouvé grâce à mon travail un logement commun temporaire tout à fait convivial le temps de mettre en œuvre notre projet immobilier qui avance à pas de géants. Et nous pansons nos blessures, ensemble. Mes chats me manquent. Mais je ne veux pas leur faire vivre une vie qui les rendrait malheureux, aussi je leur prépare leur vie d'après. Un véritable château fort dans un lieu idyllique qui sera le havre de paix de notre clan. Je suis d'ailleurs une maîtresse d'œuvre tout à fait tyrannique pour ce qui est de la production de devis pour présenter notre projet. Je songe à me faire un badge avec un fouet dessiné dessus. 

La fatigue, physique et émotionnelle, associée au fait que je dois tenir pour continuer à travailler, à entretenir mon foyer, ont fait que nous avons un peu laissé de côté les règles et activités habituelles. Quelques petits écarts ont pu être observés et tolérés avec beaucoup de bienveillance par un papa qui m'a soutenue de toutes ses forces, me relevant alors que j'étais à terre. 

J'essaie de m'en tenir au cadre fixé. C'est un repaire auquel s'accrocher lorsque tout s'écroule autour de moi. C'est là toute l'importance réelle d'un tutorat. Les règles sont là pour permettre au tutoré d'avoir une véritable ligne de conduite. Et il a joué son rôle. J'ai été la parfaite élève à peu de choses près, respectant couvre feu et heures de lever, corvées et obligations. Limitant les insolences. J'avais besoin de mon papa câlin, réconfortant, et pas du papa claquant. Nous ne jouons pas voyez-vous. Aussi nos pratiques évoluent avec nos besoins. 

J'ai multiplié les appels au secours envers les structures qui pourraient m'aider, par nécessité de verbaliser, de mettre du sens, de me rassurer. J'ai compris leur utilité réelle et j'ai pris conscience d'à quel point tout ce que l'on prend pour acquis peut basculer d'un instant à l'autre. J'ai décidé de devenir bénévole pour une association de lutte contre l'homophobie et j'espère pouvoir aider à mon tour comme ils m'ont aidée lorsque j'étais en difficulté. 

Dans ces moments là, on a chacun sa façon de gérer, c'est ce que j'ai appris en management. Il y a celui qui a confiance en l'institution et cherche à se faire aider. C'est le plus facile à aider d'ailleurs. Ça, c'est moi. Il y celui qui est timide et qu'il faut mettre en confiance. Et il y a celui qui pèche par ego et ne reconnaît qu'il est au bord de la falaise qu'au moment de sauter. Aussi n'ai-je cessé de garder un œil protecteur sur les membres de ma famille pour m'efforcer de détecter tous les non dits. 

J'ai certainement été la plus touchée par les événements car ils me concernaient personnellement mais je n'ai pas pour autant fermé les yeux sur les larmes de Rose ou sur le renfermement de Laoth, ni sur l'épuisement de papa. Il va nous falloir du temps pour dormir à nouveau sur nos deux oreilles mais en attendant, nous avons traversé l'épreuve du feu ensemble sans se brûler. 

J'ai tenté le petit coup de pouce allopathique pour vaincre sans effort. Manque de pot, j'ai fait une réaction paradoxale à la molécule qui m'avait été prescrite et j'ai été rattrapée de justesse par mon papa alors que mon état s'aggravait de façon soudaine et exponentielle. Il a été le premier à identifier la cause de mon état et m'a pour ainsi dire sauvé la vie. Petite parenthèse, je repense au blaireau qui prétendait que je me drogais avec ce genre de produits. Il faudrait déjà que je puisse en prendre pour ça. L'alcool n'aide pas à dire la vérité, on le sait tous, n'est-ce pas ? 

Mais l'heure n'est plus à la bataille qui a été gagnée. L'heure est à la projection dans notre avenir en commun. 

D'ailleurs, à ce sujet... Laoth et moi portons désormais à notre main gauche le plus magnifique des signes de notre engagement. Une promesse que l'on s'est faite un beau jour venteux mais ensoleillé, cheveux flottant face à la mer. Celle de s'épouser. 

Nous nous imaginons dans un avenir quasi certains, à s'aimer, à grandir ensemble, à travailler main dans la main et qui sait, peut-être bien à devenir mamans. Tout cela nous semble si tangible que c'est presque comme si c'était déjà accompli. 

Reprenons le cours de la vie normale telle qu'elle peut l'être dans une famille comme la nôtre. Nous nous sommes présentés dans les munchs locaux et nous nous sommes fait de nouvelles connaissances. Nous avons un nouveau projet de site Web pour ce groupe qui est en train de se créer. J'ai retrouvé de vieux amis et alliés et on a passé de longues heures à rattraper le temps perdu. 

Dans un autre registre, je passe les premiers examens d'une énième licence, ce coup-ci de développement web. A ce sujet, je compte sur papa mais aussi sur un certain Aurélien qu'il connaît bien pour l'avoir reçu chez lui pour me coacher pendant ma semaine de composition de projet.

Ça a plutôt bien commencé. Ce premier jour, j'ai produit malgré la fatigue d'un week-end chargé plusieurs livrables pour mon projet et je n'ai passé que quelques heures à jouer sur ma console pour me détendre avant de me poser dans le lit pour écrire ce texte. Que j'ai écrit avec toute ma résilience, à laquelle je fais désormais toute confiance. On se remet de tout, à moins d'en crever.

Quant aux clowns tristes qui nous ont poussé à porter plainte contre eux, sous prétexte d'avoir été bannis d'un tchat, ils nous paraissent désormais bien petits comparés à la dureté de la vie. Ont-ils seulement été réels ? Ils le sauront bien assez tôt en recevant leurs convocations devant OPJ.

Si je devais résumer ce que j'ai écrit, je me contenterai de dire ceci : il est grand temps que la peur change de camp.

Je continuerai à me battre pour une communauté saine en laquelle je crois, qui favorise les rencontres et les échanges. C'est un peu ma vocation, me battre. Pour moi comme pour les autres. Alors, puisqu'il faut y aller, je me dévoue encore une fois. La fleur au fusil et la bague au doigt. 

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