L'adoption

 

Il y a des journées incroyables dans la vie que rien ni personne ne peut entacher tellement elles sont magnifiques. Des bonheurs tellement intenses qu'ils éclipsent tout le malheur que l'on a pu subir par le passé. Et je viens de vivre une telle journée.

Tout commença par une bonne surprise. Alors que nous ne les attendions pas avant plusieurs heures, Petite Line et Marius vinrent nous rejoindre à l'heure de manger, apportant avec eux un magnifique et délicieux gâteau et beaucoup de joie de vivre. 

Pour cette fois, je vais passer sous silence tous nos moments de jeux à nous provoquer mutuellement et à finir sur les genoux les uns des autres, ou au coin les fesses bien rouges, car ce que j'ai à vous raconter est trop important et que je me languis de vous en faire part. Sachez juste que je sens encore aujourd'hui une certaine gêne lorsque je m'assois. 

A moment donné lors de notre après-midi, Marius et Petite Line s'éclipsèrent pour aller chercher la petite sœur de cœur de Line, Clemno. C'est à ce moment-là que papa me parla. 

- Tu sais, tu es ma fille maintenant. 

- Oui papa, lui répondis-je, avec toute la confiance et la certitude de la fille déjà comblée que j'étais. 

- J'aimerais officialiser les choses. Je voudrais faire de toi ma fille, officiellement. T'adopter. Est-ce que tu aimerais ? 

Je lui adressais un de mes regards les plus intenses, tandis que je sentais mes yeux se remplir de larmes. 

- Je voudrais que tu y réfléchisses, parce que... 

- Non mais c'est tout réfléchi, le coupai-je. 

Je me jetai dans ses bras et dans ceux de Rose qui était tout aussi émue que moi.

- Alors tu es d'accord ? 

- Oui papa ! Oui, je veux être ta vraie fille !

Marius revint avec les filles sur ces entrefaites. Nous accueillâmes Clemno avec toute notre affection. Puis nous nous assîmes dans un silence de mort. 

- Ouh là, vous en faites une tête, intervint Marius. Il s'est passé quelque chose pendant qu'on n'était pas là ? 

Nous acquiesçâmes. L'inquiétude était palpable, notre émotion également. 

- Alors voilà, commença papa. Vous savez que Chess est ma fille. 

- Oui... 

- Dis le, toi, me demanda papa, pris par l'émotion. C'est à toi de le dire. 

- Tu es sûr ? 

- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? 

Nos invités s'inquiétaient de plus en plus. 

- Vous savez tous que j'ai trouvé un papa en la personne d'Armand. 

- Oui, jusque là on sait. 

- Et tout à l'heure... 

Je m'interrompis, le cœur battant à tout rompre. 

- Armand m'a demandé si je voulais devenir officiellement sa fille. Il va m'adopter. 

Le moment de choc de nos invités fut très vite remplacé par des nuées de félicitations. 

- Purée, mais vous nous avez fait peur !! 

Marius vint s'assoir à côté de moi et me prit dans ses bras. 

- Je n'en reviens pas, lui dis-je. 

- Moi non plus ! Me répondit-il ! Profite, profite de cet instant. 

Nous jouâmes encore quelques temps et partageâmes comme toujours d'excellents moments en compagnie les uns des autres. Clemno fouilla dans tous nos instruments de torture pour en soupeser chacun et s'imaginer la sensation qu'ils auraient sur ses fesses. Nous partîmes ensuite faire une petite balade champêtre tous ensemble, le chien ayant été suffisamment insistant pour cela. Puis vint le moment des au-revoir. Toujours émotionnellement intense. J'eus encore des félicitations et de gros câlins. 

Nous nous retrouvâmes tous les trois et nos invités à peine partis, le formulaire d'adoption simple d'un adulte était en cours d'impression. Nous ne sommes ni papa ni moi des personnes qui perdent leur temps. Tout cela n'est que conventions sociales. Lorsque nous avons décidé de faire quelque chose, nous le faisons et rapidement. 

Je m'assurais que Rose était tout aussi d'accord qu'Armand pour cette décision. Et ses yeux remplis de larmes tout comme son sourire me répondirent. On devenait une famille, et j'avais une merveilleuse belle maman que j'aimais de tout mon cœur. 

Le moment de remplir le document fut plein d'émotions comme toute la journée. La question se posa de savoir si je gardais mon nom. Je choisis de l'abandonner et de prendre celui de papa. Je n'avais jamais aimé partager celui de mon géniteur qui a été un véritable monstre dans mon enfance. D'enfant abandonnée, je suis devenue adulte adoptée et j'adopte pleinement ma nouvelle identité. 

Quant au texte qu'il rédigea pour le juge, expliquant les motifs de cette adoption, je compte bien le faire encadrer tellement il me chamboule...

Papa signa le formulaire. 

- Voilà, il ne nous reste plus qu'à trouver un notaire lundi. 

Nous fêtâmes, à défaut de champagne au frais, les événements de la journée au Mojito. Puis je commençais à appeler toute ma famille pour leur apprendre la nouvelle. Qui fut étonnamment bien à très très bien accueillie. Une pensée pour le bonheur de ma maman et de ma tante qui accueillirent Rose et Armand dans la famille avec beaucoup d'amour pour ce qu'ils m'offraient, ce qui m'avait manqué pendant tout ce temps. 

Lorsque je l'annonçais à ma mère, mes larmes se mirent à couler de bonheur. 

- C'était ça qui était bloqué au fond de toi depuis tout ce temps ma fille, me dit papa. 

Et il avait raison. J'en avais rêvé, de cette adoption. Bien sûr j'y avais pensé, tout comme lui, mais sans trop vouloir y croire. Et c'était arrivé. 

Puis Rose et moi commandâmes un petit restaurant pour finir de fêter tout cela. Nous passâmes la soirée dans les bras les uns des autres. 

Lorsque papa me borda au moment du coucher, nous ne cessions de répéter ces mots. "Papa". "Ma fille". Comme un mantra. 

Ce 14 mai restera à jamais gravé dans ma mémoire comme le plus beau jour de ma vie. 

J'ai une pensée à tous ceux qui ont pu vouloir m'atteindre par le passé ou actuellement. Ce bonheur là, vous ne pourrez jamais me l'enlever. Vous ne pourrez jamais me menacer, car j'ai un papa qui connaît le monde dans lequel j'évolue, qui en fait partie, et qui est prêt à tout pour me protéger. Ah, et dans le boulot ? C'est un secret de polichinelle, j'ai dû leur avouer il y a longtemps, mais ils ne se sépareraient de moi pour rien au monde et il n'y a rien d'illégal là dedans. Vous avez échoué. Et je me réjouis de votre échec. Savourez-le tout comme je savoure mon bonheur.